Nous
avons trop de respect pour les gens du cirque. Aussi nous
défendrons-nous de comparer les artistes qui se produisent
sous les chapiteaux avec une poignée d’animateurs télé
ou radio pathétiques et dérisoires, qui s’enferment
dans un cube de verre, ou avec ces messieurs-dames qui, aux commandes
de l’état, cautionnent voire collaborent avec
complaisance à ce spectacle pitoyable.
Quand
il s’agit de se donner en spectacle, au moins les gens du
cirque y font-ils montre de leur dignité : celle d’hommes
et de femmes qui accomplissent des prouesses et procurent du
divertissement grâce à leur travail et à leur
talent. Viva for life, rien de tel. Le charity show dans toute sa
médiocrité. Et d’abord, ce show est un business.
La collecte de fonds, certes, ne profite pas directement aux
organisateurs de cette supercherie. Mais il ne faut pas perdre de vue
que l’opération est avant tout promotionnelle. Faire de
l’audience, grâce à l’attrape-gogos du
bazar, et du pèze à la clé, grâce aux
revenus réalisés sur la publicité des
annonceurs.
Sur
le fond du problème, que penser ? Sur base du constat de
la misère, la solution consiste-t-elle à s’enfermer
dans un studio de verre et de relever des défis, en
n’ingurgitant aucun aliment solide pendant une semaine ?
Et à profiter de la petite notoriété de quelques
divas de l’audiovisuel, en faisant passer ces gavés pour
des héros ?
Il
est insupportable qu’un enfant sur quatre vive dans la pauvreté
en Belgique, aujourd’hui. Qui peut nier cela ? Mais il
nous apparaît, à nous anarchiste, encore plus
insupportable de voiler les causes structurelles de la pauvreté.
Ces causes sont connues : inégalités de la
distribution des richesses, inégalités sociales qui se
répercutent à l’école, au travail, dans
l’accès à la santé et à la culture.
L’exploitation, c’est la racine du mal. En fait, la
collecte de fonds de l’opération promotionnelle Viva for
life cautionne cette exploitation, en validant l’idée
que les citoyens nantis peuvent augmenter leur autosatisfaction en
donnant de l’argent qui servira de palliatif aux inégalités,
et de dérivatif aux perdants et aux exclus du système.
Les
bons sentiments ne peuvent pas se substituer à une réelle
prise de conscience sociale et politique. S’attaquer aux causes
de la pauvreté, rien d’autre ne nous paraît aussi
urgent, à nous autres anarchistes.
Et
l’État dans toute cette mascarade ? Il continue de
jouer son rôle, à droite comme à gauche. Les
premiers poursuivent de manière décomplexée leur
travail de sape contre les acquis sociaux, qu’il faudrait
appeler les conquis sociaux, tant ils sont le fruit des luttes
prolétaires contre les détenteurs de l’outil et
du capital. Conquis
sociaux, toutefois,
fait
référence à la conquête. Or
en
matière de droit sociaux, il ne s'agit pas d'une conquête,
d'une invasion, mais d'une reconquête partielle de ce qui est
juste et qu'il faut préserver. Ce
sont donc ces droits
sociaux qu’il
convient de sauvegarder. Quant à
la gauche, elle se contente depuis longtemps de limiter les dégâts,
en portant le front de la résistance sur des luttes
sociétales, sans ambition de transformer une société
inégalitaire en société sans classe. L’État
se frotte les mains, dans les coulisses : un jour, pas si
lointain, nous pourrons réduire les dépenses de
l’État, puisque des amuseurs publics se chargent d’aller
ponctionner le flouze directement dans la poche même des gens.
Et l’impôt, les rentrées, pourront servir à
l’entretien sans vergogne des inégalités et du
capital.
On
va peut-être s’entendre dire : et vous, les
anarchistes, vous faites
quoi, pour les gens ? Pour
les anarchistes, la charité n'est pas la solution. La manière
dont les anarchistes agissent dans cette société qu'ils
et elles veulent changer est une autre chose.
En tout cas, si nous nous enfermions
dans un cube de verre, ce ne serait pas pour ramasser les miettes du
capital et en faire don à la chiourme, histoire de nous faire
passer pour des bienfaiteurs de l’humanité. Nous en
profiterions pour appeler à une société sans
classe, sans état, débarrassée de
l’asservissement salariale. Nous exigerions, dans un premier
temps, en tout cas, la revalorisation de la sécurité
sociale, en attendant d’en faire, comme tous les secteurs de
l’activité humaine, un organe autogéré.
Parce que nous ne
pensons pas
qu’il
faut faire
quelque chose
pour
les gens, à la place des gens.
Nous avons la conviction que c’est d’abord aux gens,
c’est-à-dire aux prolétaires, travailleurs et
travailleuses, avec ou sans emploi, de prendre l’initiative et
de faire quelque chose pour eux-mêmes, pour elles-mêmes.
Nous
n’allons pas qualifier l’opération Viva for life,
et la collaboration tacite de l’État qui se frotte les
pognes, de grand cirque médiatico-promotionnel, par respect
pour les clowns, les trapézistes, les acrobates et les
jongleurs qui exercent un vrai métier. On hésite sur le
terme de mascarade, car toute allusion au port du masque provoque de
plus en plus de réactions épidermiques... Nous aurons
donc recours au seul terme qui puisse désigner cette
supercherie : celui d’imposture.
Groupe
Ici & Maintenant (Belgique) de la Fédération
anarchiste
Décembre 2020
Le
groupe Ici & Maintenant (Belgique) de la Fédération
Anarchiste tient à réagir à l'édition du
baromètre socio-économique 2020 récemment
publiée par la FGTB (Fédération générale
du travail de Belgique, organisation syndicale membre de la
Confédération européenne des syndicats).
Durant
ces dernières années, les pleins aux as sont devenus de
plus en plus riches.
Les
10% de Belges les plus friqués possèdent :
91,7%
des droits de propriété totaux
83,8%
de toutes les obligations
78,7%
des actions cotées en Bourse
60%
des fonds de placements
Les
gouvernements successifs ont pris des mesures féroces et
vachardes contre les
prolétaires
pour rendre « la Belgique plus compétitive sur les
marchés internationaux ».
Ils
ont distribué des cadeaux aux entreprises, tels que des
réductions des cotisations de sécurité sociale
et de l'impôt sur le revenu des sociétés.
Ils
ont imposé des mesures qui ont filé des torgnoles à
la répartition des richesses: sauts d'index, diminution des
marges salariales (en plus de l'indexation), augmentation des impôts
indirects (TVA,...), des droits d'accises et des prix des services et
des services publics, contournement du paiement du salaire garanti…
T'as
comme l'impression de te faire truander… !
Les
mesures de soutien Covid 19 ? Pactole pour les pleins aux as !
11,7
milliards d'euros sont revenus aux entreprises et aux indépendants.
Ceci
indépendamment des 52 milliards tirés des systèmes
de garanties (garanties bancaires) octroyés par les pouvoirs
fédéraux et régionaux.
3,4
milliards d'euros reviendront aux ménages en 2020. Sans tenir
compte du chômage temporaire, le soutien au pouvoir d'achat se
chiffre à un maigre 1,1 milliard d'euros.
Nous,
anarchistes, ne sommes pas
étonné·e·s
par le constat !
La
production capitaliste a pour but le profit. La bourgeoisie, classe
qui détient les moyens de production et exploitant le travail
salarié, ne songe qu'à ramasser du fric et à
extorquer la plus-value.
Nous
n'avons aucune confiance envers les gouvernements et l’État,
ces machines destinées à maintenir la domination d'une
classe sur une autre. La vocation principale de l’État
bourgeois est de réprimer les adversaires de classe afin de
consolider la domination économique et politique de la
minorité exploiteuse, de défendre la propriété
privée et le régime d'exploitation.
La
FA s'en tiendra à ses principes de base: « Nous devons
faire en sorte que les classes sociales exploitées accèdent
à la capacité politique nécessaire à leur
émancipation. Ce sont les classes exploitées qui
réaliseront la société anarchiste, car les
exploiteurs ne se laisseront jamais déposséder et
emploieront toutes leurs forces, même brutales, contre
l'émancipation des travailleurs ».
Belgique,
décembre 2020
Par solidarité avec nos compagnons et compagnonnes de France, mobilisées contre la Loi Sécurité Globale, le groupe Ici & Maintenant relaye le dernier communiqué des Relations extérieures de la Fédération Anarchiste. Ne nous y trompons pas. Ce qui se passe en France est aussi notre lutte, car des enjeux similaires se jouent sur le territoire de la Belgique. Nous aussi, nous affirmons : c’est tout le climat sécuritaire et policier qui se met en place qu’il faut abattre !
Lire la suite de Sécurité globale : au-delà de l'article 24
Adil, Mawda, Mehdi…
criminalisation de la contestation... c’est «eux»
et « nous ». Le prolétariat rebelle et les flics.
Les quartiers populaires et la dictature bourgeoise.
Les patrons
continuent à bénéficier des mesures de soutien
(plans de relance européen et plans régionaux), des
dérogations à la réglementation sociale mises en
place sous prétexte d’épidémie, tandis que
les licenciements se multiplient.
Pour se défendre
contre les capitalistes et leur État nous ne pouvons pas
compter sur l’État qui avec ses lois, ses juges et ses
policiers, est au service des riches, nos ennemis de classe.
A Mons, les 23 et 24 novembre prochains, le tribunal correctionnel
devra juger des faits remontant au mois de mai 2018. A cette période,
un gouvernement, dont le secrétaire d’état à
l’asile et à la migration ne cachait pas ses sympathies
pour les idées xénophobes, avait appelé les
forces de l’ordre à un renforcement de la lutte contre
l’immigration dite illégale. Les bons chiens de garde de
service ne se sont pas privés de prendre au mot les consignes
de leurs maimaîtres. Un minibus chargé d’une
trentaine de migrants, une course-poursuite, un policier qui fait
feu… La balle « perdue » vient toucher à
la tête une fillette kurde de deux ans. Elle décédera
peu de temps après. Le tribunal montois va devoir désigner
les responsabilités de cette série d’actes qui
ont conduit à la mort d’une enfant.
Dans la nuit du 16
au 17 mai 2018, Mawda, une fillette de deux ans, trouve la mort dans
des circonstances à la fois lamentables et révoltantes.
Elle a pris une balle, tirée par un policier, lors d’une
course poursuite entre des véhicules de police et un minibus,
sur l'autoroute près de Mons. Mawda, petite fille kurde,
fuyait avec sa famille les violences de son pays. Le minibus, piloté
par un passeur, transportait une trentaine de personnes migrantes,
dites « illégales », à la
recherche d’un endroit où vivre en paix. Les parents de
Mawda, arrêtés et embarqués par la flicaille, ne
pourront pas l’accompagner dans l’ambulance où
elle mourra un peu plus tard.
Après les
faits, les mensonges. Révoltants, immondes. Lorsque l'examen
médical a déterminé que la fillette était
morte d'une balle, d'autres mensonges ont suivis. Les réfugiés
auraient tiré également, ou se seraient servi de la
fillette comme bouclier humain…
Contentons-nous des
faits. Une balle a été tirée par un policier et
c'est cette balle qui a tué Mawda. L'enquête a permis de
déterminer la vérité des circonstances. Au
centre de cet embrouillamini, ce qui ressort, dans la lumière
brute, c’est la mort d’une enfant de deux ans. Et c’est
aussi la tristesse épouvantable de ses parents.
Le procès qui
aura lieu à Mons les 23 et 24 novembre prochains va devoir
déterminer les responsabilités des uns et des autres.
L'officier est jugé avec le conducteur de la camionnette,
ainsi qu’un présumé passeur. Le policier est jugé
pour homicide involontaire. Comment justifier l’acte d’un
policier qui sort son arme, la charge, vise un van transportant
trente occupants, puis appuie sur la détente ? Cela n’a
rien d’involontaire.
#Justice4Mawda
Nous sommes
nombreux·ses à réclamer la justice pour Mawda,
autrement dit : que le policier soit condamné pour ses
actes. Que tous les mensonges et manipulations de la police et du
parquet soient dénoncés et punis. Enfin, que la
responsabilité écrasante du gouvernement belge et de sa
politique migratoire soit exposée, dénoncée et
condamnée.
Mawda est, bien
malgré elle, devenue un symbole de lutte et de résistance :
contre les violences policières, contre les violences d’état
contre les personnes migrantes, contre le racisme ordinaire entretenu
par une politique sécuritaire et aussi pour une société
plus juste, plus libre et plus fraternelle, sans clivages ni
frontières.
Groupe Ici &
Maintenant (Belgique) de la Fédération anarchiste
En guise de
souvenir, le groupe Ici & Maintenant partage ci-dessous un texte
de l’artiste Jo Hubert, qui forme un diptyque avec l’œuvre
présentée en illustration.
EXIL
Le
mot exil sable l’œsophage, racle la gorge, laisse la
bouche en sang.
Coincé dans le gosier, il ne franchira
pas le mur-frontière de l'épiglotte. Jamais il
n'atteindra le refuge utopique, atypique et dyspeptique hérissé
de barrières par "ceux d'ici". L'exil aux relents de
défaite a des airs de sens interdits.
Quémander,
l'exilé n'en a pas l'estomac.
Il n'a que le cœur au
ventre et le ventre à la rage de fuir le carnage, les ravages,
le servage, le malheur d'être né là-bas, sur des
terres trop disputées, mal irriguées, aux minerais
convoités, aux minarets conspués. La haine est dure à
digérer.
L'exilé perd ses billes, ses
quilles et ses béquilles, son droit de revenir, la chance de
l'oubli.
Jo Hubert
Texte
& collage sur encre de Chine et encre blanche de calligraphie
Josiane (Jo) Hubert
a fréquenté l'Ecole des Arts d'Anderlecht (section
peinture), de 1991 à 1995. Elle a exposé en groupe, en
duo ou en solo à Charleroi, Bruxelles, Nivelles, Mons, Les
Bons Villers, Florennes, Euskirchen (Allemagne) … Pendant de
nombreuses années, Jo Hubert a animé des ateliers
d'écriture (entre autres pour des demandeurs d'asile). Elle a
illustré « Fondus au Noir » de
Jacqueline Fischer (Ed. Rougier) et a signé le frontispice de
« Ce soir c'est relâche » de Marc Menu
(Ed. Taillis-Pré). Elle est également l'auteure de
quelques livres, dont « Chambre d'échos »
(Ed. Rougier), « La mort est un coureur de fond »
(Ed. Crocs électriques) et, dernièrement, « Assis
! » (Ed. Cactus inébranlable).
Fil RSS des articles