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Précarité : vivoter sur le CPAS dans la région du Centre

Rédigé par ici et maintenant 1 commentaire

En décembre dernier, le budget du Centre Public d'Action Sociale louviérois était présenté au Conseil Communal. La dotation CPAS augmente ainsi de 3,3 millions d'euros pour atteindre 16,65 millions d'euros. Triste constat, en six ans le nombre de bénéficiaires du Revenu d'intégration sociale (RIS) a doublé. Près de 3.000 personnes vivotent ainsi. Sans oublier le millier de personnes qui bénéficient d'aides individuelles.

L'avis de Freddy Bouchez. Freddy a travaillé au CPAS de La Louvière durant neuf ans. Il est aujourd'hui militant, pilier de l'Association de défense des allocataires sociaux (ADAS) et de la Marche des migrants de la région du Centre.


Le RIS est le dernier filet de protection sociale. Si celui-ci doit être actionné plus souvent qu'auparavant, c'est que les autres droits sont devenus moins protecteurs et que le travail n'empêche plus forcément la précarité.

Malgré ce qu'on peut en dire, nous vivons avec un chômage de masse depuis la fin des années 1970. Cela veut dire que depuis lors, il y a eu beaucoup de fermetures d'entreprises et de licenciements, de pertes de possibilités d'embauches, dans le secteur privé et dans les services publics. 

Sur les 40 dernières années, on a assisté à beaucoup de délocalisations et à la privatisation des services publics. Les gros actionnaires des grandes entreprises ont fait progresser leurs dividendes tandis que de plus en plus de travailleuses et de travailleurs étaient licenciés et obligés de vivre d'allocations de chômage. Avec la privatisation des services publics, énormément de postes de travail ont été perdus par exemple dans les chemins de fer ou à la poste. 

On a assisté à des restructurations importantes dans le secteur du commerce (les « grands magasins ») et tout dernièrement, dans le secteur bancaire. 

Parallèlement au développement du chômage de masse, il y a eu une précarisation du marché de l'emploi. L'avidité des actionnaires capitalistes ne se traduit pas seulement par les délocalisations ou les restructurations mais aussi par la flexibilisation du marché du travail. Depuis plusieurs dizaines d'années, les emplois créés le sont souvent dans des contrats intérimaires, des CDD ou des temps partiels...  

Ce chômage de masse et la précarisation du marché de l'emploi, ont déjà provoqué une augmentation de la précarité. Il est à parier que même des personnes qui travaillent, par exemple à temps partiel et sans possibilité de complément chômage, doivent faire appel au CPAS soit pour une aide matérielle ou alors pour un complément RIS. 

Pour pouvoir imposer un marché de l'emploi plus flexible, le patronat a aussi fait pression pour que les partis politiques qui les soutiennent prennent des mesures qui fragilisent les droits sociaux, particulièrement dans la Sécurité Sociale. Pour forcer les travailleuses et travailleurs sans emploi à accepter des emplois précaires, on a modifié tout particulièrement le droit aux allocations de chômage. C'est ainsi qu'en 2004 est entré en vigueur le contrôle de la disponibilité sur le marché de l'emploi. Depuis cette date, pour garder son droit aux allocations de chômage, les personnes sans emploi doivent prouver dans des entretiens (aujourd'hui organisé par le FOREM et autrefois par l'ONEM) qu'elles recherchent activement un travail. Si elles n'y parviennent pas, elles sont suspendues ou carrément exclues du droit aux allocations de chômage.

Depuis 2004, chaque année, un nombre important de sans-emploi sont donc suspendus ou exclus des allocations de chômage à cause de ce contrôle de la disponibilité. Pendant la période de sanction ou parce qu'ils sont carrément radiés, ils n'ont d'autre choix que de faire appel à l'aide du CPAS s'ils sont dans les conditions pour obtenir celle-ci. La décision politique d'instaurer ce contrôle de la disponibilité des chômeuses et chômeurs est déjà une cause importante de l'augmentation des prises en charge par les CPAS. 

Mais depuis 2004, les réformes du droit aux allocations de chômage se sont succédées :

  • En 2012, le gouvernement Di Rupo substitue aux allocations d'attente, des allocations d'insertion limitées dans le temps. Plusieurs dizaines de milliers de personnes vont être exclues de ces allocations d'insertion à partir du 1er janvier 2015. Depuis cette date, les sans-emploi en allocations d'insertion qui arrivent en fin de droit n'ont eux aussi pas d'autre choix que de faire appel à l'aide du CPAS.

  • Toujours en 2012, le même gouvernement décidera d'une dégressivité accrue des allocations de chômage. Cette mesure n'exclut pas du droit mais fait en sorte que les allocations diminuent rapidement. Dès lors, il est certain que des gens se sont trouvés en grande difficulté financière et ont dû demander des aides diverses au CPAS de leur commune. 

  • Sur les quatre dernières années, le gouvernement Michel n'est pas resté inactif non plus puisqu'il a décrété que tous les jeunes à partir de 25 ans ne pourraient plus faire appel aux allocations d'insertion. Même chose pour les moins de 19 ans qui quittent l'école sans avoir réussi un cycle d'études. Des jeunes en difficulté ou en conflit familial, qui ne savent pas s'appuyer sur la solidarité de leurs parents, ont eux aussi frappé à la porte des CPAS. 

La population de La Louvière, comme dans les autres villes, n'a pas échappé à la destruction d'emplois industriels, ni aux mesures d'atteintes aux droits sociaux. Dès lors, il n'est pas étonnant que le nombre de personnes faisant appel au CPAS ait doublé depuis six ans. Prenons acte de la décision de la Ville d'augmenter sa dotation de 3 millions en faveur de son CPAS. Reste à voir pour quelles orientations en matière de politique sociale... Sur la dernière législature, il est évident que des mesures prises sur le plan local ont réduit les droits des personnes en Revenu d'Intégration Sociale ou aidées pour d'autres raisons : 

  • Par exemple, des gens ont vu leurs aides matérielles supprimées. 

  • Par exemple, l'organisation de visites domiciliaires intrusives et à l'improviste ont exclu du droit au RIS plusieurs centaines de personnes

  • Par exemple, sous couvert de politique d'insertion, les mises au travail article 60 et article 61 ont servi de variable d'ajustement budgétaire. Autrement dit, on investit dans les mises au travail pour faire baisser le budget de l'aide sociale...

Il est vrai que les mesures fédérales de chasse aux chômeuses et chômeurs, ainsi que les politiques économiques, ont augmenté la charge des CPAS. Ceux-ci doivent être refinancés par le pouvoir fédéral. Mais, nous devons mettre en cause la loi sur le droit à l'intégration sociale et tout ce qu'elle contient de contraintes et de contrôles supplémentaires pour les plus démunis d'entre nous. Les CPAS doivent retrouver leur rôle premier qui était l'aide psycho-sociale aux personnes en difficulté. Les pouvoirs locaux doivent revendiquer avec nous et pratiquer des politiques sociales communales qui vont dans ce sens-là.

Freddy Bouchez

1 commentaire

#1  - Dan Malisse a dit :

Quand on pense qu'ils sont tous accrochés à la fabrication d'un nouveau gouvernement, on le sait, nous, que, quelqu'il soit, il n'aura rien de social ... et que les bénéficiaires du CPAS et les réfugiés, sont encore les seulEs auxquelLEs, il pourrait faire la misère !

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