Le 17 juillet 1936, un putsch militaire tente de faire basculer le
gouvernement républicain espagnol. Seule une partie
minoritaire de l'Espagne se rallie.
A Barcelone, les militants de la CNT commencent à s'armer,
dans les arsenaux et les chantiers navals. C'est le début de
la Révolution sociale en Espagne, et aussi le temps de la
résistance contre le fascisme.
Le 18 juillet 1936,
en Espagne, tandis que les putschistes poursuivent leur soulèvement,
l'État républicain semble s'effondrer, avec pas moins
de quatre gouvernements qui se succèdent en une seule journée.
Ce vide politique conduit les structures étatiques à
se dissoudre ou être paralysées, créant une
situation de chaos.
Les deux syndicats
les plus puissants en 1936 sont les anarchistes de la CNT (environ 1
557 000 membres) et les socialistes de l'UGT (environ 1 447 000
membres). Ils appellent à la grève générale
du 19 au 23 juillet dans toutes les parties de l'Espagne, en réponse
à la fois au soulèvement militaire et à
l'apathie apparente de l'État républicain lui-même.
Notre
compagnon Jean Lemaître propose sur le site du groupe Ici &
Maintenant (Belgique) de la Fédération anarchiste, une
série de chroniques littéraires.
Nous reproduisons ci-dessous le texte écrit par Jean en 2018
sur l’autobiographie d’Emma Goldman, à l’occasion
de la récente réédition de celle-ci au format
poche.
Lecture
anarchiste:
Emma Goldman,
« Vivre ma vie. Une anarchiste au temps des révolutions »,
traduit
de l’anglais par Laure Batier et Jacqueline Reuss, L’Échappée,
2022
Ouille,
c’est une brique : 1095 pages grand format, bien serrées,
mais oh combien passionnantes. Je le confesse : je ne connaissais
rien d’Emma Goldman, excepté qu’elle fut une
grande figure de l’anarchisme international, à la
charnière des 19ème et 20ème siècle.
Alors
présent au premier mai au festival du livre « social et
alternatif » d’Arras, j’étais tombé
en arrêt devant un stand affichant ce gros livre joliment
cartonné à la couverture sobre, en rouge et noir.
Trente-cinq euros à débourser, j’ai hésité.
Mais au fond, ce n’est pas plus cher que cinq cigares "Roméo
et Juliette" (mes préférés), et un bouquin,
cela ne s’évanouit pas en volutes de fumée…
Bref, j’ai acheté le livre, cette autobiographie
costaude d’Emma Goldman, récemment éditée
par L’Échappée, et pour la première fois
disponible en français. Et j’en suis ravi.
Emma
Goldman est née en 1869, en Russie. Elle a seize ans lorsque
sa famille, victime de l’antisémitisme, est contrainte
d’émigrer aux Etats-Unis. De caractère rebelle,
la jeune fille refuse un mariage arrangé. Elle prend son
indépendance. Elle devient boulimique de lectures, s’alarme
de la misère de la classe ouvrière et se lie bientôt
avec nombre de militants révolutionnaires. Emma rencontre les
anarchistes au devant des combats sociaux, et elle adhère à
leur philosophie. Elle-même polyglotte, elle ne tarde pas à
devenir une oratrice charismatique, enflammant les auditoires
ouvriers et intellectuels. Ce qui lui vaut d’être traquée
par la police et de connaître de multiples emprisonnements. En
1917, elle est condamnée à une peine particulièrement
salée et est expédiée dans un pénitencier
du Missouri. Deux ans plus tard, à l’automne 1919, elle
est libérée sous caution, tandis que l’administration
lui impose ce choix : l’expulsion vers la Russie, son pays
d’origine, ou le retour en geôle !
En
réalité, Emma Goldman est enchantée de rejoindre
le « pays des soviets » (depuis octobre 1917) et
d’apporter sa contribution à la construction socialiste,
alors même que le nouveau régime bolchévique
vacille sous les assauts des armées conservatrices et des
troupes étrangères ayant envahi la Russie pour prêter
main forte aux « blancs ».
Fin
1919, l’anarchiste débarque en terre « rouge ».
La situation qu’elle y rencontre ne correspond pas à ce
qu’elle imaginait. Deux ans après la Révolution
d’octobre, tout semble en lambeaux. Le peuple, censé
être aux commandes, est affamé, délaissé.
Les travailleurs sont désillusionnés, pendant qu’une
armada de petits chefs s’octroient tous les droits. Emma
Goldman constate la corruption du régime, davantage préoccupé
de nourrir sa nomenklatura que de soigner son peuple. Emma observe.
Elle note. Elle questionne. Elle entend se forger une opinion par
elle-même. Mais elle refuse, aussi, de condamner publiquement
le régime car ce serait, pour elle, porter un coup de poignard
dans le dos du régime au moment où sa survie ne tient
plus qu’un à un fil.
Emma
Goldman s’obstine néanmoins. Elle voyage beaucoup dans
le vaste pays, et y découvre une évolution bien plus
terrible et profonde que celle qu’elle avait cru comprendre en
mettant le pied en Russie. Les idées généreuses
du départ ont été inversées, un régime
de terreur s’est mis en place. La Tcheka, police politique
créée par Lénine, se comporte comme un État
dans l’État. Elle emprisonne, torture et exécute
dans l’arbitraire le plus total. Ses premières victimes
sont les socio-révolutionnaires et les anarchistes qui avaient
pourtant, nombreux, soutenu auparavant la Révolution
d’octobre. Emma ne peut admettre ces « jésuites
du socialisme » (pontes bolchéviques) «
pour qui la fin justifie tous les moyens ». Elle a compris
que la révolution a été étouffée
et que le socialisme a été transformé en
capitalisme d’Etat autoritaire.
Les
écailles lui tombent définitivement des yeux lorsque,
en mars 1921, le couple Lénine-Trotsky réprime dans le
sang la révolte des marins de Crondstadt. Leur crime ?
Revendiquer le retour à l’esprit démocratique des
soviets, réclamer l’indépendance des syndicats,
demander la liberté d’opinions. Pour Emma Goldman, cette
fois la ligne rouge est franchie, d’autant que la guerre civile
s’est achevée par la victoire des bolcheviques et que
plus rien ne peut plus justifier ce « communisme de guerre »
où se jouent la vie et la mort et où l’on ne fait
pas dans la dentelle. La paix est revenue depuis plusieurs mois, et
plus que jamais la direction bolchévique réprime,
pratique l’arbitraire, se mue progressivement en système
totalitaire. Pour Emma Goldman, « la dictature du
prolétariat » s’est bel et bien transformée
en « dictature contre le prolétariat ».
Elle-même,
Emma, ne tarde pas à se sentir en danger et craint d’être
arrêtée à son tour par la Tcheka. Sa décision
est prise : contournant mille embûches, elle quitte la Russie,
qu’elle avait rejointe deux ans plus tôt, pour regagner
les Etats-Unis. Aux States, elle enchaîne à nouveau les
conférences, où elle ne concède rien à
ses convictions socialistes et libertaires, sans plus rien cacher de
la vérité en Russie.
Lorsqu’elle
prend la parole, Emma est chahutée, contestée, expulsée
parfois : non plus par la flicaille mais par des militants de
son propre camp restés dévots de la Russie. Pour ces
derniers, c’est simple, dichotomique : on ne peut critiquer la
Russie de Lénine sans faire le jeu du camp ennemi
réactionnaire ! N’est-il pas de pires sourds que ceux
qui ne veulent pas entendre ?
Au-delà
du témoignage précieux d’Emma Goldman, car direct
et rare (les morts n’ont pu parler), le remarquable dans son
cheminement en Russie, c’est son honnêteté et son
courage intellectuel, sa quête inlassable de vérité,
même si elle dérange ou bouscule sa propre subjectivité
de départ.
Comment
en définitive marier engagement et liberté de penser ?
La démarche exceptionnelle d’Emma me rappelle celle dont
avait fait preuve l’Anglais George Orwell, dans le récit
(repris dans son livre « Hommage à la Catalogne »)
lorsque que, s’étant engagé aux côtés
des brigades républicaines contre le coup d’Etat
fasciste de Franco, il se retrouve en 1937 à Barcelone, au
moment des affrontements armés et fratricides entre
communistes et anarchistes. À ce moment, Orwell se sent
littéralement paumé, écartelé entre sa
sympathie pour les travailleurs anarchistes et celle qu’il voue
aux communistes. À chaud, il ne tranche pas immédiatement,
il cherche à comprendre, il pratique le doute, qui n’est
en rien une neutralité ou une équidistance entre deux
pôles.
A
la librairie Livre ou verre – Passage de la Bourse, 6
(Charleroi)
C’est
l’histoire d’une
Commune anarchiste, fondée début du siècle
dernier dans un village de l’Alentejo rural du Portugal, à
une époque (la guerre 14-18) où le peuple, dans ce
pays, crève de faim et de misère. Elle réunit
des cordonniers et leurs familles, soudés par un même
esprit coopératif, partageant à parts égales le
fruit de leur travail.
En
quoi, et pourquoi cette expérience, pionnière, de
Commune anarchiste en Alentejo du début du siècle
dernier, est tellement riche en enseignements aujourd’hui, et
plus que jamais ?
Jean
Lemaître et le groupe Ici & Maintenant vous invitent à
le rencontre de cette expérience libertaire collective, à
travers, entre autres, la figure de l’’anarcho-communiste
Antonio Gonçalves qui fut l’initiateur de la Commune des
Lumières dans le village du Vale de Santiago.
Le
lieu : Livre ou verre, librairie indépendante et
conviviale qui propose des boissons et douceurs sucrées/salées
artisanales, locales et originales. Passage de la Bourse, 6 à
Charleroi
Après
la
découverte du Mundaneum de Mons, et en particulier de son
fonds documentaire anarchiste, nous
poursuivons notre entretien en compagnie de Jacques
Gillen. Historien, collaborateur
du
Centre d’histoire et de sociologie des gauches, il a travaillé
sur l’histoire de l’anarchisme belge, en particulier sur
la colonie L’Expérience,
fondée par Émile Chapelier et Eugène-Gaspard
Marin en 1905. Ce dernier avait tenu une sorte de journal de bord que
Jacques Gillen a pu consulter pour réaliser son mémoire.
Il a également eu l’opportunité de questionner la
seconde compagne d’Eugène-Gaspard Marin, âgée
de plus de 90 ans à l’époque. Nous avons souhaité
aborder avec lui la question de l’historiographie anarchiste en
Belgique.
Jacques
Gillen, en tant qu’historien, vous êtes l’auteur de
« Les anarchistes en Belgique »1.
Est-ce une impression ou les mouvements anarchistes belges n’ont
pas fait l’objet de nombreuses recherches du point de vue de
l’histoire et de l’histoire politique ?
Beaucoup
de choses ont été dites au sujet du mouvement
anarchiste en Belgique, jusqu’en 1914. Je fais bien entendu
allusion à l’ouvrage de Jan Moulaert, qui demeure une
référence en la matière. Il a réalisé
un travail très précieux. Par contre, pour la suite,
c’est beaucoup plus fragmenté… à part un
ou deux mémoires de fin d’étude (master) :
celui de Didier Karolinsky2
axé sur l’entre-deux guerres, et celui de Nicolas
Inghels3
[accessoirement, un
fidèle compagnon du groupe Ici & Maintenant ! NDLA]
qui couvre la période de 1945 à 1970. Ces deux mémoires
ne s’intéressent pas à tout le mouvement
anarchiste, ils ne sont pas publiés et mériteraient
d’être complétés. Bien que de qualité,
ces travaux restent parcellaires et, en outre, ils commencent à
dater. En-dehors de cela, il existe quelques articles épars,
mais c’est tout…
C’est
finalement un volet de l’histoire politique et sociale belge
assez peu traité, dirait-on…
Il
convient d’emblée de faire trois remarques. La première,
c’est la question des sources. Jusqu’en 1914, on est
relativement bien documenté, parce qu’il y a pas mal de
journaux anarchistes en Belgique, il y a les fameux dossiers de la
police, à Bruxelles et à Liège en particulier,
les dossiers des étrangers… Bref, il y a quand-même
matière à étudier le mouvement anarchiste belge,
notamment aussi grâce aux quelques fonds documentaires dont
nous disposons (comme ici, au Mundaneum). Par contre, à partir
de l’entre-deux guerres et encore plus à partir de 1945,
en termes de sources archivistiques, ça se réduit à
peau de chagrin !… D’abord parce qu’il y a
beaucoup moins de publications. En forçant le trait, disons
qu’en-dehors de Pensée
et action et
d’Alternative
libertaire, il y a
tout au plus quelques rares publications sporadiques. Bien-sûr,
nous disposons des archives de Hem Day, mais ce n’est pas
suffisant pour dresser un tableau complet de l’anarchisme en
Belgique. En Flandre, à ma connaissance, ce n’est pas
très différent.
La
deuxième remarque est liée à une tendance qui
voit le jour à l’issue de la Première Guerre
mondiale : lorsque le conflit éclate, le mouvement
anarchiste se divise. Il y a celles et ceux qui vont refuser la
guerre, quel que soit le prétexte, et d’autre part, il y
a celles et ceux qui vont prendre parti pour la guerre, afin de
lutter contre un impérialisme qui représente un danger
bien pire que la pseudo-démocratie parlementaire. Au sortir de
la guerre, le mouvement anarchiste est éclaté et il a
bien du mal à renaître de ses cendres. Il y a bien
quelques tentatives de regroupements qui ont lieu mais ces tentatives
ne sont jamais durables. Bref, il n’y a plus de mouvement
anarchiste organisé, fort, actif, comme il avait pu l’être
à certains moments avant 1914. Par ailleurs, peu avant la fin
de la Première Guerre, la Révolution russe éclate
et dans son sillage va naître le Parti Communiste. Le Parti
Communiste va désormais rallier beaucoup d’anarchistes.
L’effectif même des anarchistes diminue donc
considérablement durant l’entre-deux guerres. Resterait
la difficulté d’identifier les anarchistes infiltrés,
actifs au sein du mouvement syndical : leur nombre est
probablement impossible à chiffrer… Difficile également
de faire la part de ceux qui avaient un penchant révolutionnaire
et ceux qui étaient anarchistes conscients.
Après
1945, dans les années 60 et 70, il y a une résurgence
des idées libertaires, notamment avec mai 68 et ses
conséquences, l’influence du mouvement Provo (venu des
Pays-Bas)… Quelle est la part d’anarchisme dans l’un
et l’autre cas, on pourrait en discuter… En tout cas,
ces phénomènes sont plutôt limités dans le
temps et seul le journal Alternative
Libertaire aura une
activité vraiment pérenne, durant 30 ans, de 1975 à
2005.
Il
y a d’ailleurs eu un groupe de la FA qui a porté ce nom,
en marge du journal, de 2000 à 2007 environs. On pourrait
presque dire qu’il y a une « génération
Alternative Libertaire » en Belgique, qui a eu
connaissance de l’anarchisme par les publications et les
affiches de ce journal.
Sans
doute, oui ! En tout cas, c’est une des seules sources un
peu durables dont nous disposons après la Seconde Guerre
mondiale.
On
pourrait presque dire, en forçant le trait, qu’en
Belgique, il y a des anarchistes mais pas de mouvement anarchiste…
Oui,
et c’est assez vrai même avant la Première Guerre,
période durant laquelle le mouvement anarchiste belge est le
plus fort (toute proportion gardée), et même si le
mouvement anarchiste était bien présent jusqu’en
1914 et conservait une certaine influence dans le milieu ouvrier. Cet
ancrage ouvrier, on continue de le trouver dans l’entre-deux
guerres au sein du syndicalisme révolutionnaire. On peut
supposer qu’au sein des différentes tendances du Parti
Communiste, les anarchistes ont dans certains cas réussi à
infléchir la tendance plus révolutionnaire !…
Mais après la Première Guerre mondiale, on ne
retrouvera plus cette capacité à rassembler des
centaines de personnes au cours de meetings anarchistes. Il y en a eu
beaucoup avant 1914, à Bruxelles, à Liège, à
Verviers. Les anarchistes avaient une certaine popularité, à
n’en pas douter !
Les
anarchistes belges semblent avoir eu du mal à s’organiser
à grande échelle après la Première
Guerre…
Il
y a bien eu quelques tentatives entre les deux guerres mais rien n’a
abouti. Au demeurant, ce fut aussi le cas durant cet « âge
d’or » d’avant 1914 !… Les
tentatives pour s’organiser selon une structure fédérale
n’ont tenu que quelques années, au mieux. Très
vite, des conflits d’intérêt ou des divergences de
point de vue ont ruiné les efforts des groupes anarchistes de
se rassembler en fédération. Dans le cas de Georges
Thonar, par exemple, il y a aussi une dimension de conflits
interpersonnels qui vient s’ajouter. Sa volonté tenace
de fonder une organisation anarchiste a éveillé la
méfiance, pour ne pas dire davantage, de nombre de compagnons
anarchistes. Beaucoup de ces figures demeurent assez méconnues,
même si Thonar, Émile Chapelier (l’un des
fondateurs de la colonie L’Expérience) et surtout Hem
Day, sont assez emblématiques.
Jacques
Gillen, vous évoquiez au début de l’interview
trois remarques à faire expliquant le faible traitement du
mouvement anarchiste en Belgique… Nous en avons évoqué
deux. Quelle est la troisième ?
Eh
bien c’est tout simplement le manque d’intérêt
des historiens ou des facultés pour ce type de sujet. Il y a
eu une période où l’histoire des gauches était
en vogue mais cela tend à disparaître. Encore que ce ne
soit pas aussi global : les universités de Liège
et de Gand restent très actives sur ce sujet. L’ULB, en
revanche,
est beaucoup
moins active qu’auparavant sur ce terrain de recherche. Et
toujours est-il que ce sont les facultés d’Histoire qui
suscitent les sujets sur lesquels on travaille.
On
pourrait également se questionner sur un éventuel
intérêt du public pour ce sujet. Ce n’est pas
évident à cerner même si, en réalité,
je pense qu’une histoire de l’anarchisme en Belgique
pourrait rencontrer un certain succès. On peut observer un
retour de certaines idées « anarchistes »
(avec de gros guillemets !…) : des initiatives à
caractère collectif, égalitaire, coopératif…
Sans être proprement anarchistes, elles manifestent tout de
même une proximité avec les idées libertaires, la
plupart du temps sans le savoir. En tout cas, il y aurait un gros
travail à faire pour démonter les stéréotypes,
qui ont la peau dure, de l’anarchiste violent et opposé
à toute forme d’organisation. Pour ce qui est de
favoriser l’accès du public à ce type
d’information, le Maitron en ligne est accessible intégralement
et gratuitement. Je collabore d’ailleurs à la partie
traitant plus spécifiquement de l’anarchisme en
Belgique, le DBMOB (Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier en
Belgique).
Propos
Recueillis par Christophe, du groupe Ici & Maintenant
1Jacques
Gillen, « Les anarchistes en Belgique », in
Anne Morelli, José Gotovitch, Contester dans un pays
prospère: l'extrême gauche en Belgique et au Canada,
Peter Lang, Collection Études Canadiennes, Canadian Studies,
volume 6, 2007, Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New
York, Oxford, Wien, 2007
2Didier
Karolinski, Le mouvement anarchiste en Wallonie et à
Bruxelles, mémoire de licence, Université de
Liège, 1983
3Nicolas
Inghels, Le mouvement anarchiste en Belgique francophone de 1945
à 1970, Mémoire de licence en Histoire
contemporaine, sous la direction de José Gotovitch,
Université libre de Bruxelles, 2002
Lectures
anarchistes • Victor
Serge,
le révolté permanent
Notre
compagnon Jean Lemaître propose sur le site du groupe Ici &
Maintenant (Belgique) de la Fédération anarchiste, une
série de chroniques littéraires que nous allons égrener
au cours des mois prochains.
Lecture
anarchiste : Victor
Serge,« Mémoires d’un
révolutionnaire (1905-1945) », Éditions
Lux, 2017
Pas
de socialisme sans respect des libertés et des droits humains
fondamentaux !
Cela
faisait déjà un certain temps que j'avais entendu
parler de ce militant, sans jamais approfondir. Alors, pour faire
plus ample connaissance, j'ai commencé par ses mémoires.
J'en
sors émerveillé : tant de sincérité
dans le récit, de témoignages inédits, de
fidélité à ses idées, d'engagement lucide
et critique, de courage personnel.
Fils
d'émigré russe ayant fui la dictature tsariste, Victor
Serge est né à Bruxelles en 1890. Autodidacte, féru
de lectures, curieux de tout, fibre sociale chevillée au
corps, assoiffé d'action, il épouse le camp anarchiste.
Il exerce tous les métiers. Part en France. Y fait de la
prison. Libéré en 1919, il rejoint la Russie
bolchevique, au pire moment, en pleine guerre civile, alors que le
pouvoir révolutionnaire vacille sous les assauts des armées
« blanches ».
Victor
Serge ne tergiverse pas. Se réunir sur l'essentiel, tel est
son credo. C''est ainsi qu'il prend lui-même les armes et
accède ensuite à d'importantes responsabilités
au sein du Komintern. Et va déchanter. Il s'inquiète
des excès de la Tcheka, la police extrajudiciaire, créée
avec la bénédiction de Lénine, qui exécute
à tours de bras. Il s'insurge contre la répression
sanglante des marins anarchistes de Cronstadt, menée de main
de fer par Trotski.
Les
bolcheviques ont vaincu. La paix est recouvrée. Mais pourquoi
diable le nouveau pouvoir multiplie-t-il les exactions, réprime-t-il
de plus belle toute dissidence, qu'elle émane des anarchistes,
des mencheviks, des sociaux-révolutionnaires et bientôt
des rangs même des bolcheviques ? La redoutable Guépéou
a succédé à la Tcheka. La répression
gagne chaque jour en intensité. L'autoritarisme se muant en
totalitarisme.
Lui-même,
Victor Serge devient un paria. Un temps, il se solidarise avec
Trotski, qui réclame plus de démocratie, et ne doit son
salut qu'à l'exil. Mais Victor Serge ne tarde pas à se
distancier du "Vieux", pour ses excès dirigistes et
son propre sectarisme. C'était inévitable. Serge est
arrêté, rudement interrogé. Il ne cède
rien. Il est déporté dans l'extrême-Est
soviétique. Sa chance ? En 1935, tournant stratégique
de l'Internationale communiste, Moscou cherche à sortir de son
isolement diplomatique et, tandis que la terreur atteint un degré
inégalé en URSS, l'Union soviétique fait patte
de velours auprès des démocraties bourgeoises
occidentales.
En
France et en Belgique, des voix, et non des moindres - Émile
Vandervelde en tête - exigent et obtiennent, presque un
miracle, la libération de Victor Serge, lequel, après
une escale en Belgique et en France, où il est vilipendé
de toutes parts, par les staliniens, par la droite réactionnaire,
choisit l'exil au Mexique.
Victor
Serge constate : « Quelle que soit la valeur
scientifique d'une doctrine, du moment qu'elle devient
gouvernementale, les intérêts de l’État ne
lui permettent plus l'investigation désintéressée,
et son assurance scientifique même la conduit (...) à se
soustraire à la critique par les méthodes de la pensée
dirigée, qui est davantage la pensée étouffée ».
Tout est dit. Un homme à part, un homme clairvoyant et
conséquent, un homme rare. Aux convictions plus que jamais
actuelles !