Ici et maintenant

Groupe belge de la Fédération anarchiste

Justice ?

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Adil, Mawda, Mehdi… criminalisation de la contestation... c’est «eux» et « nous ». Le prolétariat rebelle et les flics. Les quartiers populaires et la dictature bourgeoise.

Les patrons continuent à bénéficier des mesures de soutien (plans de relance européen et plans régionaux), des dérogations à la réglementation sociale mises en place sous prétexte d’épidémie, tandis que les licenciements se multiplient.

Pour se défendre contre les capitalistes et leur État nous ne pouvons pas compter sur l’État qui avec ses lois, ses juges et ses policiers, est au service des riches, nos ennemis de classe.

Justice4Mawda

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A Mons, les 23 et 24 novembre prochains, le tribunal correctionnel devra juger des faits remontant au mois de mai 2018. A cette période, un gouvernement, dont le secrétaire d’état à l’asile et à la migration ne cachait pas ses sympathies pour les idées xénophobes, avait appelé les forces de l’ordre à un renforcement de la lutte contre l’immigration dite illégale. Les bons chiens de garde de service ne se sont pas privés de prendre au mot les consignes de leurs maimaîtres. Un minibus chargé d’une trentaine de migrants, une course-poursuite, un policier qui fait feu… La balle « perdue » vient toucher à la tête une fillette kurde de deux ans. Elle décédera peu de temps après. Le tribunal montois va devoir désigner les responsabilités de cette série d’actes qui ont conduit à la mort d’une enfant.


Dans la nuit du 16 au 17 mai 2018, Mawda, une fillette de deux ans, trouve la mort dans des circonstances à la fois lamentables et révoltantes. Elle a pris une balle, tirée par un policier, lors d’une course poursuite entre des véhicules de police et un minibus, sur l'autoroute près de Mons. Mawda, petite fille kurde, fuyait avec sa famille les violences de son pays. Le minibus, piloté par un passeur, transportait une trentaine de personnes migrantes, dites « illégales », à la recherche d’un endroit où vivre en paix. Les parents de Mawda, arrêtés et embarqués par la flicaille, ne pourront pas l’accompagner dans l’ambulance où elle mourra un peu plus tard.


Après les faits, les mensonges. Révoltants, immondes. Lorsque l'examen médical a déterminé que la fillette était morte d'une balle, d'autres mensonges ont suivis. Les réfugiés auraient tiré également, ou se seraient servi de la fillette comme bouclier humain…


Contentons-nous des faits. Une balle a été tirée par un policier et c'est cette balle qui a tué Mawda. L'enquête a permis de déterminer la vérité des circonstances. Au centre de cet embrouillamini, ce qui ressort, dans la lumière brute, c’est la mort d’une enfant de deux ans. Et c’est aussi la tristesse épouvantable de ses parents.


Le procès qui aura lieu à Mons les 23 et 24 novembre prochains va devoir déterminer les responsabilités des uns et des autres. L'officier est jugé avec le conducteur de la camionnette, ainsi qu’un présumé passeur. Le policier est jugé pour homicide involontaire. Comment justifier l’acte d’un policier qui sort son arme, la charge, vise un van transportant trente occupants, puis appuie sur la détente ? Cela n’a rien d’involontaire.


#Justice4Mawda

Nous sommes nombreux·ses à réclamer la justice pour Mawda, autrement dit : que le policier soit condamné pour ses actes. Que tous les mensonges et manipulations de la police et du parquet soient dénoncés et punis. Enfin, que la responsabilité écrasante du gouvernement belge et de sa politique migratoire soit exposée, dénoncée et condamnée.


Mawda est, bien malgré elle, devenue un symbole de lutte et de résistance : contre les violences policières, contre les violences d’état contre les personnes migrantes, contre le racisme ordinaire entretenu par une politique sécuritaire et aussi pour une société plus juste, plus libre et plus fraternelle, sans clivages ni frontières.


Groupe Ici & Maintenant (Belgique) de la Fédération anarchiste


En guise de souvenir, le groupe Ici & Maintenant partage ci-dessous un texte de l’artiste Jo Hubert, qui forme un diptyque avec l’œuvre présentée en illustration.


EXIL

Le mot exil sable l’œsophage, racle la gorge, laisse la bouche en sang.
Coincé dans le gosier, il ne franchira pas le mur-frontière de l'épiglotte. Jamais il n'atteindra le refuge utopique, atypique et dyspeptique hérissé de barrières par "ceux d'ici". L'exil aux relents de défaite a des airs de sens interdits.

Quémander, l'exilé n'en a pas l'estomac.
Il n'a que le cœur au ventre et le ventre à la rage de fuir le carnage, les ravages, le servage, le malheur d'être né là-bas, sur des terres trop disputées, mal irriguées, aux minerais convoités, aux minarets conspués. La haine est dure à digérer.

L'exilé perd ses billes, ses quilles et ses béquilles, son droit de revenir, la chance de l'oubli.

Jo Hubert


Texte & collage sur encre de Chine et encre blanche de calligraphie


Josiane (Jo) Hubert a fréquenté l'Ecole des Arts d'Anderlecht (section peinture), de 1991 à 1995. Elle a exposé en groupe, en duo ou en solo à Charleroi, Bruxelles, Nivelles, Mons, Les Bons Villers, Florennes, Euskirchen (Allemagne) … Pendant de nombreuses années, Jo Hubert a animé des ateliers d'écriture (entre autres pour des demandeurs d'asile). Elle a illustré « Fondus au Noir » de Jacqueline Fischer (Ed. Rougier) et a signé le frontispice de « Ce soir c'est relâche » de Marc Menu (Ed. Taillis-Pré). Elle est également l'auteure de quelques livres, dont « Chambre d'échos » (Ed. Rougier), « La mort est un coureur de fond » (Ed. Crocs électriques) et, dernièrement, « Assis ! » (Ed. Cactus inébranlable).


Les ennemis de nos ennemis ne sont pas (forcément) nos amis

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Le comble pourrait paraître, aux yeux d’actuel·le·s contempteur·se·s de l’état, que les anarchistes se plient docilement aux mesures sanitaires imposées par le Comité de Sécurité Nationale, sous la caution d’experts suspects de complaisance avec le pouvoir. Imposées, oui, puisque leur entrée en vigueur est assortie des contrôles et sanction de rigueur, sous la férule des habituels « représentants de l’ordre », nos amis les flics. Imposées, oui, puisque, de fait, la consultation de la population demeure inexistante dans l’actuel régime qualifié de démocratique.

Sous des formes diverses, un discours circule qui, à première vue, pioche sans vergogne dans une phraséologie qui pourrait évoquer celle des anarchistes. Méfiance envers un État qui impose ses lois, établissement sournois d’une dictature sanitaire, diminution des libertés puis perte de la liberté… Les gens qui nous gouvernent tireraient prétexte d’un risque qualifié de négligeable pour jouer sur les peurs de la population et instaurer des mesures établissant le cadre d’une future et progressive tyrannie des actuels dirigeants de l’État. Le « peuple » qui se soumet aveuglément constituerait un ramassis de moutons, de larbins serviles qui n’osent pas se révolter contre ces diktats irrationnels.

En apparence, ça a la couleur de l’anarchisme, ça a le goût de l’anarchisme.

Mais ce n’est pas de l’anarchisme.

Oui, pour nous autres anarchistes, l’État continue de représenter l’ennemi à abattre.

Oui, toute dérive sécuritaire, toute forme d’exercice du pouvoir, toute violence légale, tout glissement vers une forme encore plus autoritaire de gouvernement, tout cela est un objet de détestation de la part des anarchistes.

Mais ne nous y trompons pas ! Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis !…

On a d’abord envie de railler. Bonjour la prise de conscience !… 2020, il vous en a fallu du temps pour réaliser que l’État portait en lui toute une série de potentialités d’oppression. Il est significatif de constater que la majorité des milieux anti-mesures sanitaires, anti-masques, anti-vaccins, etc. appartiennent plutôt à des catégories favorisées de la population. Le soupçon se fait jour d’y voir une classe moyenne, plutôt à l’abri du besoin en général, qui crie au complot de l’État menaçant de réduire « nos » libertés. Nos libertés, en l’occurrence, il s’agit d’abord de leurs privilèges. Dans bien des cas, il s’avère que le glissement vers la droite les entraîne à assumer ouvertement et à afficher leur ralliement au « mouvement » (on ne sait trop comment le qualifier) xénophobe, homophobe et anti-féministe Q-anon.

Autre soupçon : pour ces personnes, il ne s’agit pas de tirer prétexte de la « soi-disant pandémie » pour stopper toute une série de chaînes de production, où se trouvent des ouvriers et des ouvrières au travail, pourvoyeuses de biens de consommation. Au boulot, les larbins ! Ces pseudos révolutionnaires ignorent, comme ils l’ont toujours fait, les véritables enjeux sociaux de l’oppression économique.

Alors quoi ? Nous autres anarchistes, nous serions d’accord avec les décideurs, les dirigeants, les représentants du pouvoir ?!

Non.

Nous sommes d’abord solidaires. Nous pensons d’abord aux populations fragilisées, à risque, les plus exposées au risque mortel dont le virus du covid est potentiellement porteur. Nous pensons ensuite aux membres du personnel des soins de santé, les applaudi·e·s de 20h il y a quelques mois… Celles et ceux qui ont dit cet été : OK, la première vague est passée, mais faut se préparer pour la seconde au cas où. Faut des moyens, et des moyens humains d’abord, parce que nous, on n’en peut plus. Tirons les leçons de nos erreurs et anticipons !

Ce culot des élus et des élues… Venir affirmer sans honte avoir été pris par surprise, qu’ils ne s’attendaient pas à ça…

Du coup, la réponse ne s’est pas fait attendre : confinement, télétravail, fermeture des commerces non-essentiels, couvre-feu, surveillance et contrôles renforcés et sanctions à la clé.

Trouvons-nous, nous autres anarchistes, que ces mesures sont justes ?

Non.

Elles ne sont au fond ni justes ni injustes. Elles sont nécessaires. Elles sont nécessaires à défaut de mieux. Elles répondent de manière inadéquate à l’imprévoyance des politiques. Et nous n’allons pas non plus abaisser notre seuil de vigilance. Le couvre-feu : il semble que l'efficacité sanitaire en soit douteuse. Donc oui,nous conservons l'impression que l’État bourgeois prend toutes les mesures qu'il juge nécessaires pour limiter les libertés individuelles (usine/caserne, école /caserne, interdiction de manifestations, ordre de confinement à domicile, réglementer les déplacements…) D’autant plus que les pleins pouvoirs au gouvernement contrent les luttes et autorisent les patrons à contourner les droits au travail : excès de zèle, autoritarisme sanitaire, contournement du salaire garanti, exagération dans la mise au chômage temporaire… Non, les anars ne sont pas devenus de sages petits moutons dociles.

Y a-t-il un complot des politiques ?

Non.

Depuis quelques décennies, les politiques organisent la société selon des critères économiques, favorisant le profit et l’accumulation du capital dans les griffes dans d’un petit nombre de nantis. Ce n’est pas un complot. Ces agissements sont connus et se sont déroulés au grand jour. Hélas, nous déplorons que la pandémie permette d’accentuer encore d’avantage cette dynamique d’oppression : depuis le début de la crise, le nombre de chômeurs a augmenté de 186.000 unités, constatait la Banque nationale en juin dernier. On sent les premiers effets désastreux pour les prolétaires. Des réactions de colère et des luttes sont à prévoir. À espérer. Et nous en serons ! Sous le prétexte des conditions exceptionnelles provoquées par la pandémie, on a l'impression que les capitalistes et leur État mettent en place un système de contrôle social. A nous, travailleurs, travailleuses, avec ou sans emploi, de contester dès aujourd’hui ce qu'ils jugent nécessaire, pour pouvoir s’y opposer lorsque la situation sociale sera beaucoup plus critique, lorsque la crise économique naissante plongera les populations dans des conditions de vie calamiteuses et les poussera à se rebeller contre tout ce qui représente le pouvoir politique et économique.

Les mesures prophylactiques préservent-elles les gens des risques sanitaires ?

Tout le monde n’est pas épidémiologiste. Alors dans le doute, le bon sens nous incite à suivre le principe de précaution et à respecter les règles de distanciation physique, le port du masque, etc. même si c’est pénible, énervant, contraignant, inconfortable. Parce qu’en l’occurrence, il ne s’agit pas de sa propre santé, de sa propre vie, mais 1) du risque de contamination de personnes dont le virus pourrait mettre la vie en danger ; 2) d’éviter la saturation des services hospitaliers dont les conséquences constituent également un danger pour les personnes atteintes d’autres pathologies.

Voulons-nous vraiment d’une société où il faut choisir entre les malades que l’on soigne et les malades que l’on va laisser sans soin ?

Et pourtant, cela ne nous empêche pas de laisser libre cours à une société où l’on choisit qui est mis à l’abri des risques de contamination et qui doit continuer à y être exposé.

Confinement, télétravail… Oui, mais pas pour tout le monde. Allons-nous continuer de faire semblant d’ignorer que tant de travailleuses et de travailleurs sont tenus de demeurer entravés in situ dans les chaînes du salariat, pour permettre à l’économie de continuer à tourner ? La pression sur ces travailleurs et travailleuses-là existe et toute une série de mesures antisociales les contraignent à continuer le turbin sur des lieux de travail où les conditions sanitaires ne sont pas respectées. Les loisirs sont suspendus. Y a plus que bosser que tu peux faire !…

Masqué·e·s, nous le sommes, nous autres anarchistes du groupe Ici & Maintenant, même si le respect des consignes ne fait pas l’unanimité au sein de la Fédération anarchiste. Pour certain·e·s, « l’État ne peut pas m’obliger à porter un masque, et on n’est même pas assuré que cela serve à quelque chose ». Soit. Nous en revenons au principe de précaution. Certes le respect des consignes, ça marche quand il est librement consenti. Nous déplorons que ces mesures ne fassent l’objet que de si peu de consultation auprès des populations directement concernées, notamment sur le point du couvre-feu. Nous pourrions d’ailleurs ne pas les respecter. Ce n’est pas parce qu’un État nous indique quoi faire que nous nous en acquittons servilement. Pour nous, la désobéissance n’est pas un truc nouveau. Mais en ce moment, en attendant d’obtenir des certitudes mieux établies, nous ne voyons que la nécessité d’accomplir un devoir de solidarité. Ni docilité ni obéissance à une autorité que nous ne reconnaissons pas, et ce, pas plus demain qu’aujourd’hui, pas plus qu’hier.

Car là se situe un autre enjeu de taille : l’État, nous le contestons depuis la naissance du mouvement anarchiste. L’arbitraire des gouvernants, nous le combattions avant, nous le combattons encore et nous le combattrons demain.

Le « monde d’avant », nous l’avons combattu durant la Commune de Paris, nous l’avons combattu en Catalogne en 1936, nos frères et sœurs le combattent au Rojava, au Chiapas…

Le « monde d’après », c’est pour cela que luttent les anarchistes. Bien avant la crise sanitaire. Un monde d’après véritablement adelphique, de frères et de sœurs. Pas un monde d’après où des poignées de révolté·e·s de la onzième heure se bornent à restaurer l’exercice petit-bourgeois de quelques privilèges de classe. Mais une organisation égalitaire, libertaire, basée sur l’autogestion et les assemblées. Le programme n’existe pas, il n’est pas écrit à l’avance. Il reste à faire, toujours déjà, par chacune et chacun, dans le rassemblement d’une volonté collective qui préserve les aspirations individuelles de chacune et chacun.


Groupe Ici & Maintenant (Belgique) de la Fédération anarchiste

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